Baguette à 29 centimes : le nouveau coup de com des industriels

Opération de communication déjà éprouvée par E. Leclerc en 2022, la baguette à 29 centimes pourrait être un non-événement dans le monde de la boulangerie. Si l’on n’en parlait pas. Mais Lidl et Aldi tentent à leur tour le coup… de com. Et parviennent à faire du bruit.

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Tandis que revoilà la baguette blanche à 29 centimes. Cauchemar des boulangers artisanaux, la communication agressive des supermarchés autour de ce produit d’appel à prix cassé fait une nouvelle fois recette en cette rentrée 2025.

Mais plus que d’un événement, il s’agit surtout d’un coup de com de l’industrie agroalimentaire. Michel-Édouard Leclerc l’écrivait sur son blog, le 26 août dernier : « Dans la grande distribution, il n’est pas rare de voir la baguette en promo à 29 centimes ! [] En ce moment, c’est le prix promo dans pas mal de Leclerc [la baguette blanche s’y vendait en moyenne 41 centimes d’euro en février 2025, selon l’UFC Que choisir, NDLR] et c’est aujourd’hui l’un des thèmes de campagne de Lidl et Aldi, nos dynamiques concurrents d’outre-Rhin. »

Une publicité gratuite potentiellement très lucrative pour ces deux dernières enseignes, dans lesquelles cette baguette premier prix se vendait jusqu’alors 35 centimes d’euro. Ce, dans un pays où les grandes surfaces ne détiennent que 9 % du marché des ventes de pain, contre 60 % pour les boulangeries artisanales.

Le moindre coût et son impact sur le goût

Les artisans peuvent se distinguer de ces hypermarchés en axant leur communication sur la qualité : là où la recette est susceptible de ne contenir que farine, eau, sel et levure ; l’étiquette de la baguette de E. Leclerc fait état en plus d’améliorants divers (émulsifiant E471, agent de traitement de la farine E300, enzymes). Mais les boulangers artisanaux ayant recours à des mixes commercialisent eux aussi potentiellement de tels additifs, autorisés par la législation française pour la baguette blanche.

Contrairement aux grandes surfaces, les artisans ont d’ailleurs cessé de faire de cette baguette un produit d’appel, mettant plutôt en avant la Tradition, plus riche nutritionnellement et au cahier des charges plus exigeant. « Dans le pain industriel, on ajoute du gluten pour que la pâte tienne et qu’elle puisse être congelée », défend également Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie pâtisserie française (CNBPF) dans un post publié sur Facebook le 28 août.

Reste le goût, grand point faible de ces produits, souvent — mais pas toujours — reçus en magasin sous forme de pâtons précuits surgelés. « Les artisans boulangers pétrissent plus longtemps, façonnent eux-mêmes, cuisent leur pain sur place ; parfois il y a un processus de fermentation qui prend plusieurs heures », argumente ainsi le président de la CNBPF. La moindre qualité gustative de ce pain low cost par rapport à son équivalent artisanal semble d’ailleurs faire consensus chez les consommateurs.

Auprès de ces derniers, il est possible aussi d’arguer qu’en réalité, le coût de la baguette — 1 euro en 2025 en moyenne pour un poids de 250 g, selon l’Insee — a diminué en France en termes de pouvoir d’achat depuis 1970. Dit autrement : on n’a jamais pu acheter autant de baguettes avec une heure de travail payée au salaire minimum qu’aujourd’hui (11,7 baguettes de 250 g en 2025, contre 10 en 2002 et 5,6 en 1970).

Une concurrence déloyale ? Pas selon l’Autorité de la concurrence

Peut-être cela vaudrait-il la peine d'alerter à nouveau les autorités sur le détail du coût de fabrication de cet emblème national, forcément favorable aux hypermarchés ; qui peuvent mutualiser les équipements, la main-d’œuvre ou l’énergie nécessaires à la production et influer sur le prix de la farine en faisant pression sur leurs fournisseurs. Des industriels qui s’accommodent aussi de marges très faibles : là où le boulanger artisanal se rémunère en moyenne à hauteur de 10 à 25 centimes d’euro par baguette, Leclerc, Lidl ou Aldi se contentent de percevoir autour de 4 centimes d’euro sur un produit à 29 centimes.

Pourtant, le Niçois travaillant en franchise pour un terminal de cuisson Paul qui avait dénoncé « une pratique de prix abusivement bas au sens de l’article L420-5 du Code du commerce », à la suite du précédent coup de com de E. Leclerc sur la baguette à 29 centimes d’euro, en 2022, avait été débouté par l’Autorité de la concurrence.

La solution pour les artisans serait sans doute de miser — et de communiquer — sur la qualité et la santé des consommateurs en étant toujours plus rigoureux et transparents sur la composition de leurs recettes. Et de ne pas faire le jeu des grandes surfaces en comparant ce qui n'est pas comparable : la production industrielle et le savoir-faire boulanger artisanal.

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